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  • mauricejeanauteur

Chapitre 1. Des invités inattendus.



Depuis près de deux jours, la pluie pianotait sur le toit de tôle du chalet loué par Pierre-Philippe Prévost. Il trouvait regrettable que son employeur l’eût obligé à prendre une semaine de vacances au milieu du mois d’avril. Des vacances sur une île paradisiaque des Antilles auraient probablement été un meilleur choix, toutefois ses finances ne lui permettaient pas une telle extravagance. Une recherche approfondie sur Kijiji lui avait permis de découvrir un fantastique chalet tout équipé selon les dires du propriétaire. C’est ainsi qu’il se retrouva à La Conception, au fin fond des Laurentides, au bord du lac Gareau dans une minuscule habitation en bois rond avec comme seuls compagnons les dix livres qu’il avait apportés. Il en avait déjà lu quatre et regrettait d’en avoir apporté si peu.

En regardant par la fenêtre du salon, il vit que le sentier qui menait au lac était maintenant une mare de boue. L’intensité de la pluie lui permettait à peine de distinguer sa voiture stationnée à quelques mètres de là. Il avait espéré pendant un certain temps qu’une légère accalmie puisse lui permette de se rendre à sa voiture pour rentrer son équipement d’astronomie, mais cette envie était complètement disparue considérant les prévisions météorologiques des trois prochains jours.

Son regard se posa sur la minuscule cuisine. Tout ce qu’il voyait était inutile : la cuisinière GE ne fonctionnait pas, le micro-ondes était dans le même état et son cellulaire neuf, ce fantastique bijou de la technologie, lui était totalement inutile, car il n’arrivait pas à trouver un réseau cellulaire aux alentours et le fameux Wifi promis lors de la location avait fonctionné adéquatement pendant à peine une heure. Une affiche près du modem indiquait:

« En cas de problème,

contactez-nous au courriel suivant : service@nuageinternet.com ».


Malgré tout cela, il ne se plaignait pas, car il avait connu pire lorsqu’il avait loué un appartement sur la rue Saint-Kevin à Notre-Dame de Grâce et l’absence de cuisinière avait été pallié par l’utilisation d’un rond à induction qu’il avait acheté chez Costco pour sa voisine, mais qui traînait dans sa Hyundai Elantra depuis plusieurs semaines. Il était au chaud, le petit foyer sis au milieu du salon fonctionnait bien et il y avait assez de bois sec d’empilé dans le salon pour finir la semaine.

Il regarda l’horloge, dans une heure, midi sonnerait. Il se dirigea dans la chambre et ouvrit la porte du mini réfrigérateur qui s’y trouvait. Il pouvait prendre une bière. Pierre-Philippe était un homme avec des principes rigides : jamais d’alcool avant 11 h, jamais plus d’une consommation à l’heure et on arrête à minuit. Dès qu’il sortit une canette de Budweiser, il en remit une autre. Le réfrigérateur pouvait en contenir un maximum de six.

De retour dans le gros Lazyboy vert situé près du foyer, il reprit le livre qu’il avait commencé, Transfert écrit par Josianne Laplante. Il avait à peine lu une dizaine de pages qu’il entendit cogner à la porte. Surpris, il déposa le bouquin, puis ouvrit. Un homme, d’environ cinquante ans complètement détrempé, sans parapluie ni imperméable, se trouvait là.

— Excusez-moi, je ne comprends pas comment cela est arrivé, mais je roulais sur le chemin et une roue a calé dans la boue devant votre chalet. Je ne peux plus avancer. Pouvez-vous venir m’aider à pousser ma voiture ?

Le jeune technicien hésitait. Il devinait que le chemin de terre n’était plus qu’un champ de boue et qu’aider le pauvre homme en dégageant sa voiture ne serait qu’une solution à très court terme. De plus, l’envie de braver les pluies diluviennes ne le tentait guère. Par ailleurs, même s’il n’était pas du genre à ouvrir la porte à un étranger, il se dit qu’il n’était pas dans son quartier mal famé de Montréal et l’invita à entrer, Il lui offrit une des deux serviettes propres de disponible.

— Je n’ai pas de réseau cellulaire ni l’internet. On va attendre que la température soit plus clémente et on va aller voir ce qu’on peut faire pour vous sortir de là.

— Merci pour la serviette, répondit l’homme, mais auriez-vous des vêtements secs à me prêter en attendant que les miens sèchent ?

Pierre-Philippe était vraiment ennuyé. S’il lui fournissait des vêtements secs, il n’aurait plus rien à se mettre sur le dos. Il se rappela soudain ce qu’il avait vu lorsqu’il avait inspecté le chalet à son arrivée.

— Il y a une robe de chambre dans la salle de bain, vous pouvez l’utiliser. Il n’avait aucune idée de l’état de propreté du vêtement, mais il avait la certitude qu’elle était sèche.

— Merci, marmonna l’homme en se dirigeant vers la salle de bain.

Le jeune homme reprit une gorgée de bière et recommença la lecture de son livre. Une dizaine de minutes plus tard, il crut entendre un énorme bruit provenant de l’extérieur. Il pensa immédiatement qu’un transformateur d’Hydro-Québec avait sauté, mais il n’observa aucun scintillement d’éclairage. Il se déplaça pour regarder par la fenêtre, mais ne parvint pas à déterminer la provenance du bruit. Il sursauta lorsqu’on cogna de nouveau à la porte. Lorsqu’il revint de ses émotions, il l’ouvrit.

Ce qu’il vit l’horrifia ! Une femme tenant un parapluie jaune se tenait devant lui. Son visage était couvert de sang.

— Bonjour, marmonna-t-elle, je…

Puis, elle s’écroula au sol. Sans hésiter, il tira le corps de la femme jusqu’au milieu du salon. Elle respirait et semblait vivante, il soupira.

Il lui nettoya le visage et vit que la blessure était assez mineure, une simple coupure à l’arcade sourcilière. La pluie avait amplifié la blessure de manière démesurée.

Quelques instants plus tard, elle rouvrit lentement les yeux.

— Philippe, c’est bien toi ? susurra-t-elle.

Elle venait de l’appeler Philippe ! Il la regarda attentivement, mais ne la reconnaissait pas.

— Me connaissez-vous ?

Elle avait maintenant les yeux grand ouverts et semblait avoir retrouvé ses esprits.

— Euh non, je vous ai pris pour un de mes amis, Philippe Langevin, mais je vois que vous n’êtes pas lui. En passant, je m’appelle Florence et vous ?

— Moi, c’est Pierre-Philippe. Que s’est-il passé ?

— Je crois que j’ai perdu connaissance. C’est quelque chose qui m’arrive de temps en temps.

— Ça, je l’ai vu. J’aimerais savoir ce qui s’est passé avant, pourquoi êtes-vous chez moi ?

— Je roulais sur la route et mon F-150 a frappé un véhicule arrêté sur la route. La visibilité était nulle…

Elle se leva soudainement, puis se dirigea vers la salle de bain.

— Vous permettez que je l’utilise ?

Avant même qu’il ne puisse répondre que quelqu’un s’y trouvait déjà, elle ouvrit la porte. Elle jeta un coup d’œil à l’intérieur, puis se retourna vers Pierre-Philippe.

— Savez-vous qu’il y a un cadavre dans votre salle de bain ?



 

Maurice Jean est un auteur de romans policiers résident de Morin-Heights. Il a écrit Portefeuilles en série en 2017 et Mes Amis Facebook en 2019. Son troisième roman, Le Retour du Cabotin, publié par les Éditions Crescendo sera disponible au mois d'août 2021.




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