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  • mauricejeanauteur

Chapitre 11. Tous ce qui brille


Oui, Pierre… nous avons bien compris, comme toujours ce sera impec ! rétorqua Cristiano Vega avec un gros accent portugais. T’inquiètes, j’ai Loïc l’armoire avec moi sur ce coup ! On ne loupe jamais rien lorsque l’on bosse ensemble, on forme une super équipe. Le petit con n’est pas très loin devant, nous le talonnons. J’ai des éclaireurs de positionnés à chaque sortie de la 15 Sud, nous sommes sur sa trace…

Loïc clignota des yeux pour confirmer les dires de son acolyte. Loïc Verraud essaya ensuite de désengourdir ses jambes de sbires du côté passager de la Carrera, non sans difficultés. Ses 93 kilos le gênaient en tout dans la vie, sauf quand c’est le temps d’achever quelqu’un en trois petits mouvements de bras.

— Ouais… vous ne travaillez pas proprement les gars alors sur ce coup, je ne veux pas de bavures ! Pierre-Philippe Prévost, vous me le mettez dans un baril à l’entrepôt et le tape-cul bleu métallique, faites-le-moi brûler comme d’habitude. Je veux la marchandise dans mon bureau dans deux heures max. Vous m’avez bien entendu ? On ne peut plus compter sur Luc, il est décédé lors du crash de son avion en heurtant des pylônes d’Hydro-Québec, mon contact de la SQ m’a confirmé son décès… vous n’êtes que deux sur ce coup.

— C’est comme si c’était fait, patron !

— J’ai des comptes à rendre à Mont-Tremblant avant la fin de la soirée. Je vous attends à l’endroit habituel. J’ai déjà votre part de côté, appelez-moi quand tout sera fait, ciao ! avait-il dit en leur raccrochant au nez sans ménagement.

Les deux truands se mirent à rire en échangeant un regard complice.

— Ça va être le pied, la retraite au Mexique avec toutes ces filles pour nous réchauffer les fesses et tout le reste ! Patron du cul ! On va l’enculer lui et son grand chum de l’immobilier. Cette fois-ci, c’est à nous la vraie vie ! rajouta Cristiano avec de l’assurance dans la voix. Fini de travailler à se salir les mains pour 10 000 $ le coup ! Quand ces deux MESSIEURS s’apercevront que la cam s’est volatilisée et nous autres avec elle, ce sera trop tard pour lancer les chiens à nos trousses.

Loïc sembla inquiet, même si le plan avait été pensé, discuté et préparé avec soin, il restait toujours le facteur embrouille de dernière minute à considérer. Cristiano lui, était gonflé à bloc comme un pape.

— Rien ne clochera, tu t’en fais pour rien… on va faire ça une étape à la fois. Récupérer la coke, tuer le gars, ramener son corps à l’entrepôt, incendier le tacot. Ensuite, on suit le plan… on laisse l’auto du patron à l’endroit désigné, nettoyage narco de mise et après, la camionnette et Macha nous attendent. Les échanges, c’est le job de Macha et tu sais que l’on peut compter sur elle à 100 %. Les Vietnamiens nous attendront pour prendre possession de la drogue et les transferts électroniques de l’argent vers l’île de Mann seront faits dans nos trois comptes sous nos yeux. C’est tout mon chum… ensuite, on se dirige vers Lacolle, on passe la frontière avec nos faux passeports et on se dirige vers l’aéroport de La Guardia pour attraper notre vol vers Mexico City… en roulant mollo tout en respectant les limites de vitesse. C’est un plan nickel, Loïc ! Considère-moi comme ta marraine la bonne fée !

Loïc jeta un regard furtif à confrère.

— Ouais… quand on sera sur la plage de Huatulco avec une margarita dans la main, je te verrai peut-être sous un nouvel angle. En attendant, accélère que l’on rattrape ce type, j’ai hâte que tout cela soit derrière nous…


Pierre-Philippe s’arrêta de l’autre côté de la rue du poste de police de Saint-Jérôme. Il avait roulé vite avec la tête dans les nuages et les mains moites. Sa respiration était devenue plus régulière depuis que Lauriane et Sandrine étaient retournées à Repentigny, loin de lui et en sécurité. Malgré la pluie qui tombait drue, il observa avec introspection les allées et venues de plusieurs officiers de police en se demanda s’il devait entrer pour en finir avec ce roman-fleuve noir à saveur narco dollar. Sa réflexion s’allongea et s’allongea et il se retrouva devant un dilemme à trois temps. Primo, la police ne croirait probablement pas à toute cette histoire, et il serait arrêté sur-le-champ. Secundo, les trois crapules étaient sans doute en train de repenser à une façon de récupérer leur butin, et tertio, le chef de bande des Hell’s avait sans doute déjà envoyé une meute de gentilshommes à sa recherche. C’est alors qu’il lui vint l’idée d’appeler Luc, son saint-bernard de frère qui lui servait d’ange gardien depuis leur enfance. Luc le défenseur de la veuve et de l’orphelin, Luc le tout-puissant qui sait toujours le tirer des pires emmerdes de la vie. Pitonnant sur le clavier de son cellulaire, il s’aperçut que la batterie était complètement à plat. Rien depuis le début de cette horrifiante journée ne tournait rond, c’était comme si tous les diables de la terre étaient contre lui !

— Maudite pluie, maudit Hydro-Québec et maudit chalet ! Il faut que je prenne une décision et que je prenne la bonne !

Machinalement, il ouvrit la radio pour remettre ses idées sur une ligne de pensée moins angoissante. Les infos ne parlaient que des dégâts occasionnés par les pluies diluviennes des dernières heures. « Pannes généralisées dans plusieurs secteurs des Basses-Laurentides et Laval, les équipes s’affairent à désengorger les arbres et les branches cassées tombées sur les pylônes d’Hydro-Québec et à rétablir le courant le plus rapidement possible. Des équipes de l’Ontario et du Nouveau-Brunswick sont en route pour prêter main-forte. Les autorités prévoient rétablir le courant aux abonnés dans les prochaines heures, les secteurs les plus touchés en premier. Un avion d’air Tremblant s’est écrasé près de La Conception en pleine forêt et les recherches se poursuivent pour porter secours à l’unique passager et au pilote. A priori, il semblerait que tous deux ont péri lors de cet écrasement, la police a… »

Pierre-Philippe éteignit la radio et se mit à trembler incontrôlablement. Un pyromane venait d’allumer un incendie dans sa tête. Luc, son frère mort dans cet écrasement… pas possible ! Non, pensa-t-il avec effroi, cela ne pouvait pas être la vérité, Luc a appris à piloter dans l’armée canadienne, un as dans son domaine, un pilote de brousse avec les couilles carrées qui ne prend jamais de chances en vol, indépendamment des circonstances ou de la météo. Il fallait absolument qu’il trouve un téléphone et vite. Il se mit frénétiquement à fouiller le coffre à gants et à tâtonner sous le siège du conducteur… rien ! Le coffre arrière était rempli de cocaïne et l’ouvrir en face du poste de police était un acte audacieux qui frôlait l’aberration.

— Stupide, je ne suis pas ! marmonna-t-il à haute voix.

La décision d’aller se garer hors de la vue des très probables caméras de sécurité à large spectre du poste de police fit son bonhomme de chemin. Il avait passé devant une école avant d’arriver ici alors, un endroit parfait pour ne pas être vu ni reconnu. Une Porsche passa très près de son véhicule tout en ralentissant et passa son chemin. Une drôle de sensation de panique le gagna, sans qu’il ne sache pourquoi. Le temps de déguerpir, de décamper à toute vitesse était arrivé. Voilà que le karma s’occupait de changer ses plans sans qu’il ne puisse en décider autrement. Un demi-tour rapide en direction opposée vers où la Porsche se dirigeait et il était sur le chemin du plan B, et dans un cul-de-sac de noir opaque. L’école était tout juste au bout de la rue et il se gara loin des lampadaires et de la rue adjacente. Personne ne pouvait le voir, il en était certain. Sale pluie qui ne faisait qu’en rajouter aux présentes circonstances. En ouvrant le coffre de la petite voiture, il était évident qu’il manquait quelques sachets de coke à l’empaquetage original, mais en bout de ligne, cela ne le regardait pas, même s’il savait très bien qui les avait chapardés. Malgré lui, il se prit à fantasmer sur la valeur réelle de cette marchandise illégale. Tous ces sachets devaient valoir une petite fortune sur le marché noir. L’appât du gain, gagner des dollars rapidement rendait les hommes fous depuis que le monde est monde. Un sac de sport en plastique épais et usé, très années 90 au fond du coffre attira son attention. Encrassées par de la boue sèche qui formait une croûte sous le logo vert et rouge de la Labatt 50, une courroie manquante et une fermeture éclair à moitié déchirée furent suffisantes pour aiguiser sa curiosité. C’était comme si quelqu’un l’avait déterré d’un trou boueux à la hâte et lancé dans le coffre de la Versa sans ménagement.

— Un sac à surprise, sans aucun doute !

Il se pencha pour récupérer le sac et l’ouvrit sans peine. Rien qui vaille à l’intérieur. Un fil électrique en boucle attaché avec une corde noircie, une serviette blanche maculée de taches d’herbes, une canette de Coca-Cola non ouverte qui avait coulé dans le fond du sac et qui avait laissé une trace collante sur les doigts de Pierre-Philippe. Tout au fond, un petit sac à maquillage en tissu rouge et jaune tout droit sorti du Woolworth des années 70. Il l’ouvrit machinalement, en ne sachant pas pourquoi il était encore sur place au lieu d’aller à la recherche d’un endroit pour appeler Luc. Le poids du petit sac le ramena à l’ordre des présentes circonstances. Des bijoux tout pêle-mêle ; des chaînes en or de diverses longueurs, des chevalières, des bagues en diamant, des bracelets à breloques, quelques pierres rouges, sans doute des rubis et un caméo en broche vintage représentant le profil d’une dame de l’époque victorienne. La personne qui a caché ce petit trésor dans cet endroit savait ce qu’elle faisait. Un petit coussin de sécurité en cas de futurs pépins !

— Ils ne font pas que dans la drogue ces truands, ils s’adonnent également au recel de bijoux volés !



 


EVELYNE STEFANATO




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