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  • mauricejeanauteur

Chapitre 8. L'origine du problème ou la théorie du big Boom

Pierre-Philippe se promenait de long en large dans le chalet. En fait, il avançait de cinq pas, pivotait et recommençait. Sa sœur le regardait, exaspérée.

— Là ! s’exclama Lauriane, tu vas t’asseoir et prendre le temps de relaxer !

Elle connaissait Pierre-Philippe depuis que celui-ci était arrivé dans sa famille à la suite d’un drame personnel. Elle se rappelait parfaitement cette soirée-là où une dame s’était présentée chez ses parents pour leur confier la garde d’un jeune garçon en attente d’une famille d’accueil. Elle avait onze ans, ses deux frères étant beaucoup plus âgés, elle avait vu cela comme l’opportunité d’avoir enfin un petit frère. Par la suite, ses parents avaient décidé d’adopter Pierre-Philippe. Elle l’avait protégé, consolé, encouragé comme seule une grande sœur peut le faire. Ce n’est que cinq ans plus tard, qu’elle avait su la terrible vérité, c’est-à-dire que Pierre-Philippe avait un frère aîné et que leur mère avait été victime des coups violents de leur père ; elle l’avait appris uniquement parce que des agents de police étaient venus pour protéger le jeune garçon à la suite de l’évasion de prison de son père, Marcel Prévost. Apprendre l’existence de Luc, le frère de Pierre-Philippe, l’avait perturbée ; elle croyait avoir un petit frère pour elle seule et là, elle réalisait qu’à n’importe quel moment, ce dernier pouvait quitter sa vie et aller rejoindre ce grand frère qu’elle ne connaissait pas, mais qu’elle haïssait.

— Pas le temps de relaxer ! répondit Pierre-Philippe. Je dois prendre une décision immédiatement ! Il se dirigea vers la fenêtre et observa la remorqueuse qui déplaçait le F-150 de Florence. Son regard se posa sur la Versa bleue toujours sur le bord de la route. Il ne savait pas qui était Charlotte Simard, la propriétaire de l’automobile. Il n’avait aucune idée par quel stratagème cette dame s’était retrouvée dans la salle de bain ni comment elle en était sortie peu de temps après. Il l’avait crue morte, mais dans son monde, les morts ne sortent pas par les fenêtres. Était-elle complice ou victime de Philippe Langevin ? Il aimait comprendre ce qui l’entourait, mais là, il était complètement perdu.

— Je pense qu’on n’a plus d’électricité ! mentionna Lauriane en tentant de faire fonctionner la plaque à induction. Il va falloir oublier le café !

Pierre-Philippe sortit de sa rêverie.

— Espérons qu’Hydro-Québec règle cela rapidement, marmonna Pierre-Philippe. Il pouvait se passer de bien des choses, mais pas de son café matinal.

Il sursauta lorsque Bandit jappa. Il pensa un instant que son cœur arrêterait de battre. À peine avait-il eu le temps de reprendre une respiration qu’on cogna à la porte, ce qui l’effraya encore plus. En sueur, il se dirigea craintivement vers la porte. Il l’entrouvrit et vit l’employé d’Hydro-Québec qui était venu précédemment.

— Rebonjour. J’ai une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne, c’est qu’on a réussi à trouver l’origine du problème : un petit avion s’est écrasé, fauchant la ligne haute-tension. La mauvaise, c’est qu’il n’y aura pas d’électricité avant trois ou quatre jours.

— Qu’est-il arrivé au pilote ? s’enquit Pierre-Philippe inquiet, se demandant si le Luc Prévost dont on lui avait parlé le matin était son frère. Il ne l’avait pas vu depuis plusieurs années.

— Aucune nouvelle. La Sûreté du Québec va être sur place dans quelques instants, on en saura davantage à ce moment-là.

— La panne est-elle locale ? demanda Pierre-Philippe.

— Locale ! Non monsieur, c’est une panne majeure ! Plus de 180 000 foyers sont affectés ; tout ce qui est au sud de Labelle, une grosse partie de Laval et de Montréal est sans électricité.

Si vous voulez aller dans un hôtel avec votre petite famille, je pense que vous pourriez vous rendre à Mont-Laurier parce qu’aux dernières nouvelles, il y avait encore de l’électricité là-bas ; par contre, je ne prendrais pas de chance, je réserverais avant de me déplacer. Puis, affichant un sourire ironique, l’employé de la société d’État ajouta : ah oui, c’est vrai, les réseaux cellulaires sont morts… Bonne chance.

Pierre-Philippe n’utilisait jamais de gros mots, pourtant il ne put retenir un « TAB… » en refermant la porte. Il le regretta immédiatement.

— Qu’est-ce que ça veut « TAB… » ? demanda Sandrine.

À bout de nerfs, incapable de réfléchir, il parvint à se contrôler suffisamment pour ne pas s’emporter devant une enfant.

— C’est un mot qu’on ne devrait jamais utiliser. Excuse-moi. J’ai utilisé un mauvais mot.

— Moi aussi, je fais parfois de mauvais choix, c’est ma maman qui m’a dit cela. Ce n’est pas grave, je t’aime beaucoup.

Étrangement, les paroles de sa nièce parvinrent à réduire sa nervosité. Il sentit son cerveau se remettre à fonctionner.

— Lauriane, j’aimerais que tu retournes chez toi à Repentigny, vous serez mieux qu’ici.

— Pas question de t’abandonner, tu viens avec nous !

— Pour une fois, je t’en supplie, écoute-moi. Vous retournez à Repentigny, et je vais voir la police pour tout leur raconter. Je suis convaincu que c’est la meilleure solution.

Lauriane hésitait. Elle n’aimait pas abandonner son frère à son sort, mais elle devait protéger sa fille. Finalement, elle accepta la proposition de Pierre-Philippe et dix minutes plus tard, elle quittait le chalet au volant de sa petite Mazda 3 deux portes.

Soulagé, Pierre-Philippe la regarda partir. Dès que la voiture de sa sœur fût hors de vue, il ramassa, près du Lazy-boy, le sac à main de Charlotte Simard et le vida sur la table à manger : un cellulaire, une brosse à cheveux, un sac de mouchoirs, de la soie dentaire et un trousseau de clés. C’est ce qu’il espérait trouver.

En moins de deux minutes, il ramassa ses vêtements qui tentaient de sécher, ce qui lui restait de bière, le revolver de Florence ainsi que la plaque à induction. Il jeta un regard sur le livre qu’il avait commencé et se demandait s’il ne devait pas l’abandonner, car après tout, il se disait que ses malheurs avaient commencé avec ce damné livre ! Après hésitation, il décida de le conserver, puis prit la pile de livres qu’il n’avait pas entamés. Surpris, il constata qu’il n’y en avait que trois alors qu’il était certain qu’il devait en rester quatre. Il se questionna à savoir où était passé son exemplaire dédicacé de « Mes Amis Facebook » ! L’avait-il oublié dans son automobile que Langevin avait volée ? Florence l’avait-elle volé ? Lauriane l’avait-elle emprunté ?

Il mit tout cela dans une boîte, sortit du chalet et se dirigea vers la Versa bleue. Dès qu’il ouvrit le coffre arrière de la voiture, il reçut un coup et perdit l’équilibre.

Une vieille dame le menaçant avec la barre du cric sortit alors du coffre. Elle s’apprêtait à le frapper.

— Je n’ai rien fait ! hurla Pierre-Philippe. Je ne suis pas complice de celui qui vous a enlevée… ou qui a volé votre voiture… ou les deux…

— Effectivement, je vois bien que vous n’êtes pas le trou du c… qui m’a attaquée pour me voler ma voiture. Vous allez m’expliquer ce qui se passe ici, continua-t-elle en le menaçant.

Le technicien se lança dans un récit relatant l’arrivée de Philippe, de Florence, de Laurianne, de Sandrine ; la découverte de la drogue, le retour de Florence avec les policiers et la panne de courant ; puis ajouta :

— En plus, à un moment donné, vous étiez morte dans la salle de main !

— Je confirme que je n’étais pas morte, répondit Charlotte Simard en riant et en abaissant son arme. L’homme que vous appelez Philippe m’a attaquée alors que j’arrivais au restaurant Saint-Hubert de Saint-Sauveur et m’a enfermée dans le coffre arrière de ma voiture. Il a roulé pendant longtemps, puis s’est arrêté ici. Quelques instants plus tard, une camionnette a frappé ma voiture, ce qui a permis au coffre de s’ouvrir. J’ai refermé un peu la porte, car quelqu’un sortait de la camionnette et s’est dirigé vers le chalet. J’ai alors vu que mon ravisseur était sur le côté de la maison et se déplaçait. Je suis sortie de l’auto et je me suis rendue où il était. Je me suis glissée dans la salle de bain en me disant qu’il ne me chercherait pas là. Quelques secondes plus tard, j’ai entendu quelqu’un tourner la poignée alors je me suis couchée au sol, feignant d’être morte. Lorsque j’ai vu l’homme partir avec une autre voiture, je me suis cachée dans le coffre de ma voiture.

— Voulez-vous que je vous accompagne au poste de police ? demanda Pierre-Philippe ?

— Sérieusement ! lança la dame. Cet homme m’a attaquée, m’a séquestrée, a volé votre voiture et son amie vous a menacé avec une arme après avoir trouvé de la drogue dans la cave du chalet. Pensez-vous sérieusement que la police va nous prendre au sérieux ? Vous apprendrez jeune homme qu’on n’est jamais si bien servi que par soi-même ! On prend la drogue du sous-sol et on retrouve les méchants !

— Où va-t-on ? demanda le jeune homme estomaqué.

— Au motel Dix80 à Mont-Laurier ! Après notre départ de Saint-Sauveur, lorsque j'étais dans le coffre de l'auto, je l'ai entendu réserver une chambre à cet endroit.


 

Maurice Jean est un auteur de romans policiers de Morin-Heights.


Il a exercé la profession de chimiste pendant 35 ans.


Il a écrit Portefeuilles en série en 2017 et Mes Amis Facebook en 2019. Son troisième roman, Le Retour du Cabotin, publié par les Éditions Crescendo sera disponible au mois d'août 2021.




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