Se rendre à Mont-Laurier avec Charlotte Simard dans sa Versa à elle lui procurerait certains soulagements. Pierre-Philippe pourrait alors avoir accès enfin à un réseau internet et téléphonique fiable. Il aurait l’occasion de revenir un peu dans le monde réel et demander de l’aide dont il avait tant besoin. En rêvant à petites doses, en embarquant dans la Versa, il s’est dit qu’il pourrait même rencontrer l’homme à l’origine de ses malheurs qui se sont produits dans le chalet maudit. Lui sera-t-il préférable de découvrir son identité pour pouvoir ensuite la communiquer à la police, surtout si cet inconnu est dangereux.
Cet homme inconnu qui fuyait aujourd’hui vers le nord, avait eu une adolescence peuplée de plusieurs vols à l’étalage, couronnée par un dossier judiciaire. À cause de ce fameux casier et n’ayant pas terminé ses études secondaires, il obtenait toujours avec parcimonie de petits boulots pas très payants à gauche et à droite.
Puis, à l’âge de 35 ans -15 ans auparavant – il avait trouvé son « jackpot ». Il obtient un bon emploi comme manœuvre dans l’industrie de la construction. Étant travaillant et habile, il avait gravi rapidement les échelons : d’aide-menuisier jusqu’à gérant de chantier inclusivement. Cette réussite, qui se retourne aujourd’hui contre lui peut-être, était due à un homme qui a crû en lui.
Cet homme était un riche entrepreneur immobilier. Plus précisément, il gérait une entreprise florissante et stable de construction et de rénovation domiciliaire, très majoritairement des chalets. Ses environnements de prédilection étaient les sous-régions de Sainte-Agathe et de Mont-Tremblant.
Il y a 15 ans, cet entrepreneur avait embauché comme manœuvre l’inconnu qui se sauvait aujourd’hui vers Mont-Laurier. Il l’avait embauché même s’il savait que son futur employé traînait un dossier judiciaire avec lui. Peut-être qu’il lui avait offert un emploi parce que justement il était handicapé par un tel dossier.
Aujourd’hui, au chalet, celui que Florence avait nommé comme Philippe, se dirigeait vers le motel Dix80. Il avait entraîné Florence, sa nouvelle amie de cœur, dans ce coup fumant d’importation de 50 kg de cocaïne, à récupérer dans un chalet délabré au lac Gareau.
Quelques mois auparavant en 2019, Philippe avait rencontré Florence dans des circonstances nébuleuses. Depuis quatre ans, il menait alors une nouvelle existence à l’emploi de son riche entrepreneur.
En 2015, ce dernier s’apercevant de l’appétit de plus en plus gourmand de Philippe pour l’argent, lui avait fait une proposition.
— Philippe, tu réussis bien tout ce que tu entreprends. Veux-tu essayer un autre métier ; celui-là est plus exigeant, mais beaucoup plus payant que tout ce que tu as fait à date ?
— Oui. Certainement, si c’est pour travailler avec vous. On s’entend super ensemble !
— Ce ne sera pas facile au début. Te connaissant, tu vas vite prendre le tour et tu vas adorer.
— Faites-moi pas languir !
— J’ai une autre organisation, en dehors de l’immobilier. Par contre, il te faudra être discret et travailler surtout en soirée ou de nuit.
— Ça ne me dérange pas. À 35 ans bientôt, je n’ai pas d’enfant, je suis libre comme l’air et je n’ai même plus de blonde. Allons-y.
— Il faut me promettre ta confidentialité absolue et ta loyauté envers moi. O.K. ?
— O.K. Sans aucun problème.
— Mon organisation très discrète s’occupe de la réception et la livraison de colis de tout genre, un peu partout en région, surtout dans les Laurentides.
— Quel genre de colis ?
— Tu n’as pas besoin de le savoir. C’est mieux pour toi. On est très bien récompensés pour les petits risques qu’on prend.
C’est ainsi que Philippe Langevin avait débuté l’exercice d’un nouveau « métier » dans le monde du trafic et du blanchiment d’argent pour celui qui s’était identifié au pilote Luc Prévost en se prénommant Tony. Ce dernier n’était pas propriétaire de chalets à La Conception, au lac Gareau. Toutefois, il faut se rappeler que le supposé Tony détenait énormément d’information sur des chalets à construire ou à rénover.
Quel était le fil qui le reliait au propriétaire du chalet maudit ? Qui était ce propriétaire ? Qui, parmi eux, rejoindra en premier Philippe Langevin : Florence, ou le locataire du chalet Pierre-Philippe ? Ce dernier se posait toutes ces questions avec une anxiété grandissante, en ce 23 avril. S’il en avait entendu parler, il serait encore plus inquiété de Tony, le patron trop mystérieux.
Dans la Versa conduite par la septuagénaire, il finit par échafauder deux scénarios possibles qu’il croyait pouvoir se réaliser à leur arrivée à Mont-Laurier. Le premier scénario pourrait être favorable à Pierre-Philippe.
« Le deuxième serait terrifiant pour moi ! Je ne veux pas qu’il se réalise ! »
Maintenant que la Versa arrivait à la hauteur du panneau de signalisation indiquant la limite sud de la ville de Mont-Laurier, il était trop tard pour reculer.
Yves Plouffe, ex-chasseur de têtes, est né à Saint-Jérôme. Puis il a vécu son enfance et son adolescence à Val-d’Or en Abitibi, avant
d’aller poursuivre ses études à l’extérieur de cette région. Il a notamment remporté le prix de la meilleure dissertation de l’année au Collège d’Amos. C’est là qu’il a pris goût à l’écriture.
Il a écrit dans le journal étudiant qu’il a ensuite coordonné. Il a obtenu un B.A. option Lettres puis un baccalauréat en relations industrielles de l’Université Laval et quelques années plus tard, une maîtrise (MBA) de l’École des hautes études commerciales (HEC) de l’Université de Montréal. Il a écrit quelques articles au fil des ans dans des revues et dans le Journal des affaires. Il a coordonné la publication de la revue MBA du Québec pendant quelques années. En 2017, il a participé à l’écriture, avec six autres auteurs laurentiens, du roman intitulé ' Le destin de Chloé'. En 2018, il a publié le polar intitulé ' La Crise'. L’action de ce livre se déroule durant la Crise d’octobre 1970. Son deuxième roman écrit encore seul 'Pendant le Référendum' (1995) précède 'En terrain miné, le scandale est d’or', publié en avril 2020. Son nouveau roman "Les dessus prennent le dessous" vient de sortir.
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